Stella Jean : créolisation à l’italienne
Il y a quelque chose d’étrangement familier chez Stella Jean. Certains croquis de ses jupes nous rappellent ces tableaux qui ornaient les murs de notre salon lorsque nous étions enfants. D’autres motifs sont incontestablement puisés de l’art africain. Ce n’est ni un hasard ni un autre cas d’appropriation culturelle. La designer est haïtiano-italienne.
Après des études en sciences politiques à l’Université La Sapienza de sa Rome natale, elle devient mannequin pour le designer Hugo Von Fürstenberg. Cependant, elle réalise très vite qu’elle préfère dessiner des vêtements que de les porter. Après avoir gagné la deuxième place dans un concours organisé par le magazine Vogue, elle attire l’attention de Giorgio Armani qui deviendra en quelque sorte son mentor.
Sa mère Violette Jean, dont elle adopte le nom lorsqu’elle devient designer, l’a sans doute introduite à l’art haïtien, lequel fait partie intégrante de ses créations. Mais elle n’en est pas restée là. Elle incorpore aussi le travail des artisans haïtiens et africains avec qui elle collabore étroitement. Son utilisation des éléments de ces cultures ancestrales lui permet de supporter les communautés de femmes défavorisées.
Stella Jean croit en la mode éthique et adhère au slogan Aider, ce n’est pas la charité, c’est juste du travail. De cette vision naît le mouvement One, No one & 100 000 Km. Il s’explique tout simplement comme ceci :
- One : 1 kilomètre est suffisant pour représenter l’Italie, le lieu de sa naissance et de sa formation, là où la tradition est interreliée avec un regard vers le futur.
- No one : Zéro kilomètre est la distance à parcourir afin d’atteindre notre âme, ouvrir nos cœurs et puiser dans nos souvenirs.
- 100 000 Km : Le nombre de kilomètres qu’a choisi de parcourir la designer Stella Jean, de sa philosophie personnelle vers toutes ces communautés avec lesquelles elle a choisi de collaborer.
Dans l’énoncé de sa philosophie de la mode, le métissage joue un très grand rôle et pour la définir, Stella Jean puise à la source de grands écrivains comme Édouard Glissant, Frankétienne et Léopold Sédar Senghor. « La créolisation, c’est un métissage d’arts, ou de langages qui produit de l’inattendu. C’est une façon de se transformer de façon continue sans se perdre.
C’est un espace où la dispersion permet de se rassembler, où les chocs de culture, la disharmonie, le désordre, l’interférence deviennent créateurs. C’est la création d’une culture ouverte et inextricable, qui bouscule l’uniformisation par les grandes centrales médiatiques et artistiques. Elle se fait dans tous les domaines y compris la mode ! »